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Survivre à l’argent et au système financier

a écrit dans Les flux financiers sur mai 7th, 2013 by

Cette session comportait une présentation audiovisuelle, suivie d’une discussion et d’une séance de questions-réponses. Elle a abordé le fonctionnement du système financier et monétaire et leurs incidences sur les femmes ayant peu de moyens. On a évoqué la façon dont le système sert les desseins économiques, mais aussi la manière dont les gens qui le dirigent trompent et appauvrissent en abusant de leur pouvoir. La session interactive a renseigné les femmes sur ce qu’elles doivent savoir et faire pour contrecarrer le système et y survivre. Vous trouverez ici les trois vidéos et un sommaire présenté par Najma Sadeque sur les questions soulevées pendant l’atelier Survivre à l’argent et au système financier, tenu dans le cadre des sessions de « boîtes à outils » au Forum de l’AWID 2012.

Intervenantes : Najma Sadeque et Deneb Sumbul (Shirkat Gah)

Survivre aux systèmes financiers

L’argent et les banques sont des armes à double tranchant.
Comment ceux-ci vous aident… ou vous nuisent

Il serait difficile de vivre sans argent ou sans système bancaire. Les immenses progrès et réalisations que nous avons connus auraient mis beaucoup plus de temps à se produire, ou ne seraient jamais apparus. En effet, pratiquement toutes les activités sur notre planète impliquent quelque forme de coût, que ce soit pour l’énergie, les matériaux ou les services rendus. Ceux-ci doivent être payés, que ce soit directement ou indirectement.

Autrement dit, l’argent est un moyen d’échange qui permet d’éviter les restrictions du troc. Les services bancaires sont absolument indispensables, puisqu’ils traitent simultanément des milliers d’échanges, du plus simple au plus complexe, entre d’innombrables personnes et organisations, par-delà le temps et la distance.

Puisque l’argent est censé faciliter les échanges équitables, on a tendance à estimer qu’il s’agit d’un élément neutre auquel on ne devrait pas toucher. Cependant, l’argent n’est pas plus neutre que les personnes qui l’ont inventé et qui l’utilisent. Les êtres humains ne sont pas toujours justes, encore moins les spéculateurs. Il existe probablement sur cette terre autant de personnes malhonnêtes et amorales que de personnes honnêtes et probes. Il n’est pas anodin que les principales religions conseillent elles aussi de documenter et de s’assurer de la présence de témoins lorsque sont négociés des contrats et des transactions. Dans beaucoup de régions du monde, les femmes ne reçoivent ni ne manipulent jamais d’argent. Et sans l’autonomisation économique et financière, les femmes n’exercent jamais leur plein pouvoir.

La plupart commettent l’erreur de courir après l’argent pour s’enrichir et comme s’il s’agissait d’une fin en soi plutôt que d’un moyen de se procurer des choses utiles. L’achat du pouvoir peut être bien éphémère ou illusoire. Imaginez que vous ayez des millions en banque et que soudainement, la devise soit démonétisée, ou perde complètement sa valeur par rapport à une monnaie étrangère plus forte. Vous seriez sans le sou du jour au lendemain.

Vous et moi, et c’est le cas de la grande majorité des gens, particulièrement les femmes, devons nous assurer de recevoir une juste valeur en argent pour les biens et services que nous proposons et, inversement, des biens et services de juste valeur en échange de notre argent. Il n’est pas nécessaire d’être un expert hautement qualifié pour comprendre comment fonctionnent l’argent et le système bancaire. N’importe qui peut en saisir les principes de base. Dans la vidéo, vous constaterez que le système repose à la fois sur le bon sens et les innovations qui servent vos objectifs, et peut-être davantage ceux des banques.

Première partie – Survivre à l’argent et au système financier (en anglais seulement). from Deneb Sumbul on Vimeo.

Il devrait maintenant vous sembler évident qu’à moins d’être fait d’or ou d’un autre métal précieux, l’argent sous forme papier ou électronique n’a aucune valeur intrinsèque. Ce n’est qu’une simple mesure, une unité représentant une certaine valeur, qui vous permet de déterminer rapidement combien vous devez dépenser, demander ou épargner.

Tous n’accordent pas toujours la même valeur à l’argent. Ainsi, les prix augmentent et diminuent en permanence. Certains pays attribuent une plus grande valeur à leur propre monnaie et une valeur arbitrairement inférieure à celle d’autres pays.

Il faut comprendre qu’en demandant des frais légitimes pour les services rendus au client, certaines des plus grandes banques du monde ont profité de l’ignorance du public sur la manière dont fonctionne le système et ont commencé à prendre des risques avec l’argent de leur clientèle. Cette situation a été rendue possible par la faille conceptuelle que comporte le système bancaire mondial, qui représente également sa plus grande force, mais que d’aucuns nommeront « tromperie », étant donné que celle-ci peut être corrigée ou limitée dans une certaine mesure.

Jusqu’à une certaine somme, les banques sont autorisées à créer leur propre argent additionnel sous forme de chiffres dans un grand livre comptable. On l’appelle la réserve fractionnaire, ce qui implique de conserver une certaine portion des dépôts pour le cas où les clients voudraient tous soudainement récupérer leur argent au même moment et pour éviter les paniques. Les banques les plus prudentes conservent entre un tiers et la moitié de leurs dépôts en réserve. Voilà qui explique en partie que les banques des pays en développement aient évité les pires abus du système, contrairement aux banques américaines, qui ont été presque entièrement déréglementées et ne sont pas soumises à des contrôles et vérifications. Dans ce contexte, les grandes banques ont joué avec les économies de leurs clients derrière le dos de ces derniers jusqu’à ce qu’il ne soit trop tard.

Tant que cette faille cruciale et d’autres libertés démesurées du système bancaire n’auront pas été mises à nue et jugulées, le monde ne sera pas en mesure de devenir plus juste et égalitaire, même si tous et toutes ont un emploi décent, que la corruption est un phénomène minime et que les économies sont stables. En réalité, les principales banques internationales exercent un pouvoir excessif sur le système financier, dont l’utilisation abusive peut miner et ruiner des pays et des économies entières, ce qui s’est par ailleurs déjà produit.

Il est déjà assez désolant que l’on permette aux banques de garder le secret sur leurs activités sans qu’elles n’aient à informer leurs clients des incidences et des répercussions de leurs opérations sur leurs actifs. Au cours des trente dernières années, les principales banques américaines ont déployé des efforts de lobby auprès des représentants politiques et utilisé leur force financière pour promouvoir la déréglementation optimale de leurs activités, si bien qu’il n’existe pratiquement plus de surveillance ou de supervision et encore moins de reddition de comptes ou de pénalités.

Deuxième partie – Survivre à l’argent et au système financier (en anglais seulement). from Deneb Sumbul on Vimeo.

Toute activité économique est un échange dans deux directions ou plus qui devrait avantager toutes les parties. Même les transactions commerciales doivent servir un objectif social, en plus de générer un profit. En effet, toutes les activités économiques utilisent des ressources naturelles et des biens publics qui, au bout du compte, appartiennent à toutes et à tous. Les fabricants et vendeurs de biens et services ne sont pas les seuls à fournir un service. Les acheteurs représentent eux aussi des avantages, puisque sans marché et sans clientèle il n’y aurait pas d’entreprises, de fabrication, de commerce, de détaillants ou de revenus.

Comme toutes les entreprises, les banques ont le droit de facturer les services sans lesquels les clients ne pourraient gérer leurs affaires au quotidien. Cependant, cela ne les autorise pas à imposer des intérêts démesurés et composés alors qu’elles ne créent absolument rien de productif. Historiquement, on a toujours réprouvé l’usure. Et il est certain que les banques n’ont pas le droit de parier avec l’argent des clients pour faire des bénéfices supplémentaires injustifiés sans la permission de leurs clients ou à leur insu.

Partout dans le monde, l’argent, les banques et le commerce sont tellement interdépendants qu’ils ressemblent à un groupe d’alpinistes liés les uns aux autres par une corde : lorsque l’un d’entre eux tombe, il est fort probable qu’il entraîne les autres dans sa chute plutôt que d’être secouru par ses camarades. Dans une certaine mesure, l’effondrement de 2008 a également touché les pays du Sud, alors qu’ils n’utilisent même pas les instruments à haut risque auxquels ont recours les grandes banques américaines.

Voilà pourquoi chaque pays devrait posséder une devise qui lui est propre et n’est liée d’aucune façon à toute monnaie des réserves étrangères ou internationales dans laquelle elle puisse être convertie. Les opérations de change ne sont pas nécessaires dans le cadre d’activités économiques n’impliquant que des matières premières, des biens et des services locaux. Lorsque les gouvernements emploient les opérations de change à ces fins, ils dilapident inutilement l’argent et se trouvent endettés ; ils doivent par la suite récupérer des devises par des exportations ou d’autres services afin de payer leurs dettes. Les opérations de change ne sont utiles que si des biens ou une expertise ne sont pas produits à l’intérieur d’un pays donné et qu’ils doivent être obtenus de l’extérieur.

Les banques centrales de tous les pays doivent percevoir ou redécouvrir qu’elles peuvent créer leur propre devise pour un usage intérieur, et ce, de manière sûre et avantageuse. Si elles le réalisaient, elles soutiendraient par là fait même les masses qui tendent à être marginalisées lorsque les revenus économiques dépendent du commerce extérieur généré par les grandes entreprises.

La banque centrale peut judicieusement créer toute la devise requise pour stimuler l’activité économique, réaliser et entretenir les travaux publics, créant ainsi des emplois utiles.

Troisième partie : Survivre à l’argent et au système financier (en anglais seulement). from Deneb Sumbul on Vimeo.

L’un des problèmes fondamentaux réside dans le fait que l’argent n’est pas associé aux droits humains. Voilà une question sur laquelle doivent actuellement s’attarder les activistes dans un monde où toutes les ressources, y compris celles qui sont essentielles à la survie humaine, font l’objet d’une commercialisation, d’une privatisation et de monopoles, niant ainsi à la majorité leur part des ressources et donc leurs droits fondamentaux.

Chose étonnante, l’argent n’est pas créé en fonction du volume des ressources naturelles qui existent réellement. L’argent étant dissocié des ressources disponibles, les ressources limitées ne sont allouées qu’à ceux qui possèdent un pouvoir d’achat adéquat. Par conséquent, les pauvres ne reçoivent rien ou que très peu. Le système est érigé en faveur des riches.

Ainsi, dans notre monde restreint où la population explose, aucun bien public (comme les routes, les services d’approvisionnement, l’eau, les installations sanitaires ou les transports publics) ne devrait être attribué à un investisseur étranger, non plus que les terres agricoles ou les ressources naturelles, publiques ou privées.

Les monnaies nationales et les banques sont toutes deux essentielles à l’intérêt public, particulièrement dans les pays du Sud qui sont toujours exploités par les investissements étrangers et les dettes faramineuses.

Tous les pays et toutes les provinces ou sous-régions au sein des nations devraient compter sur des banques publiques tenues par l’État, dont le mandat serait de servir uniquement les citoyens, les citoyennes et les entreprises provenant d’une région géographique immédiate et définie. Les bénéfices ne sont pas la priorité, puisqu’elles ne sont pas redevables aux actionnaires privés et qu’elles peuvent ainsi se permettre de générer moins de bénéfices pour ne pas imposer à leurs clients des intérêts élevés.

Ces banques publiques doivent non seulement investir dans les biens publics (comme les services d’approvisionnement) gérés par l’État, mais elles doivent aussi rendre le crédit à long terme disponible à toutes les petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux personnes à revenu faible ou moyen. Il s’agit du seul mécanisme permettant d’atteindre une situation plus juste en évitant tant l’extrême richesse que l’extrême pauvreté.

Les meilleurs exemples de telles banques sont les Landesbank en Allemagne, les banques WIR en Suisse et la Bank of North Dakota aux États-Unis. C’est le seul moyen de redistribuer équitablement les richesses de sorte que chaque personne reçoive sa juste part et puisse réaliser pleinement son potentiel.

Si vous provenez d’un pays en développement qui fait face à une dette chronique ou qui manque souvent d’argent, vous devez comprendre les raisons de cette situation. Vous devez poser les questions suivantes : les prêts que votre gouvernement contracte avec la Banque mondiale, le Fonds monétaire international ou d’autres prêteurs sont-ils vraiment nécessaires ? Dans quelle mesure les objectifs peuvent-ils être atteints localement avec la monnaie nationale ?
Si vous êtes une personne à faible revenu, à qui les banques privées n’accorderont pas de crédit, votre gouvernement devrait intervenir et combler cette lacune. S’il ne le fait pas, adressez-vous aux activistes pour l’exiger.

Entre-temps, si votre pays ou votre communauté traverse une crise financière et qu’il y a peu de prêts pour les individus ou les petites entreprises, il vaudrait la peine de collaborer avec d’autres personnes afin d’explorer des alternatives telles que le troc ou d’autres mécanismes décrits dans les vidéos. Les populations du monde entier ont eu recours à ce genre de système.
Si vous souhaitez reprendre le contrôle sur votre monde des griffes des grandes banques internationales, des spéculateurs, des multinationales et des politiciens manipulateurs, vous devez revendiquer ces droits et lutter jusqu’à ce qu’ils soient intégrés à la constitution et aux lois de votre pays.

Vous avez droit à votre part des ressources naturelles que vous a léguées la nature et qui ne sont pas d’origine humaine. Vous avez le droit de les investir ou de recevoir leur valeur en argent pour diriger votre propre entreprise de manière rentable. Les systèmes bancaires, particulièrement dans les pays du Sud, tendent à être dominés par la gent masculine. Ils ne sont pas toujours sensibles aux besoins des femmes et aux problèmes locaux. Il faut plus de femmes pour mettre en place des devises complémentaires afin de soutenir les femmes et les communautés marginalisées.

Enfin, il faut se rappeler que la qualité d’une banque se mesure aux règles qui la régissent et à sa transparence. Si les banques opèrent dans le secret et qu’elles ne sont pas surveillées, il va de soi qu’elles devraient faire l’objet de soupçons. C’est justement l’absence de réglementation et de transparence qui a permis aux banques de s’en tirer en dépit des transactions injustes effectuées à l’insu de leurs clients, menant à la crise financière de 2008, dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui.

La sensibilisation et la prise de conscience au sein de la clientèle sont une nécessité absolue. Si vous connaissez des ennuis avec l’argent et le système bancaire parce que vous évitez sciemment d’essayer de les comprendre, vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-mêmes.
Renseignez-vous et revendiquez vos droits à une part de la richesse collective. Il est dans l’intérêt des femmes de parfaire leurs connaissances à l’égard de l’argent et des banques, plutôt que d’en devenir une proie facile. Vous devez accéder à votre part du gâteau pour assurer votre survie et votre épanouissement. C’est une question de droit.

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