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Produit intérieur brut (PIB) / croissance

a écrit dans Emploi et travail, Les flux financiers sur mai 13th, 2013 by

Qu’est-ce qui compte ou ne compte pas, qui fait les calculs et quel usage fait-on des données ? Après une introduction aux principes de base à l’aide des « chapitres » de la vidéo Who’s Counting? cette session a exploré la situation actuelle du système de comptabilité nationale, les questions les plus judicieuses que peuvent poser les féministes et les meilleures stratégies à adopter. Le personnel de l’AWID a préparé un résumé de l’atelier Produit intérieur brut (PIB) / croissance, qui s’est tenu dans le cadre des sessions de « boîtes à outils » sur l’économie féministe au Forum de l’AWID 2012.

Intervenante : Marilyn Waring (Université de technologie d’Auckland)

Marilyn Waring est une activiste féministe et économiste politique néo-zélandaise. Élue au Parlement à l’âge de 23 ans, elle a présidé la Commission des comptes et dépenses publics. L’ouvrage qu’elle a signé, Counting for Nothing/If Women Counted est devenu un classique de l’économie féministe. Vous pouvez obtenir plus de renseignements sur le travail et la vie de Marilyn en visionnant le film Who’s Counting? Marilyn Waring on Sex, Lies and Global Economics (en anglais).

Les dix grands principes à connaître au sujet du produit intérieur brut

1. Le produit intérieur brut (PIB) est le principal outil utilisé pour mesurer la croissance économique d’un pays. Les investisseurs y ont recours pour évaluer comment et où investir ou non.

• En théorie, le PIB est une mesure universelle qui a été élaborée pour comparer les pays à l’échelle internationale afin de déterminer leur potentiel relatif de croissance ;
• Le PIB représente également un facteur important employé comme base de décision stratégique pour déterminer les politiques intérieures des pays.

2. Le système de mesure du PIB, soit le système de comptabilité nationale, fonctionne de telle manière que des activités peuvent être associées à la « croissance » même si elles ne présentent aucun avantage réel pour la communauté ou le pays.

• Le PIB ne mesure que la valeur monétaire des biens et services et examine là où l’argent est généré et dépensé, sans égard à la valeur de la contribution du travail non rémunéré (habituellement accompli par les femmes) ;
Le système de comptabilité nationale ne possède pas de colonne « débit ». Ainsi, dès lors que l’activité intègre le marché, elle est estimée bénéfique à la croissance. Si un pétrolier s’approvisionne en Alaska en vue de délester sa charge plus loin le long des côtes, pour ensuite la rejeter en combustible de soute, il serait responsable d’une croissance modérée. En 1989, lorsque le pétrolier Exxon Valdez a touché un iceberg, ce fut un évènement tout à fait merveilleux pour la croissance économique. En effet, cet incident a généré de nombreuses activités économiques sur le marché, à savoir entre autres le paiement d’assurances, l’achat d’un nouveau pétrolier, des opérations de nettoyage, des indemnisations (de personnes privées, dans le secteur du tourisme), des droits d’auteurs liés à la télévision, au cinéma et aux livres, des poursuites civiles et pénales et de nouveaux dons et adhésions aux entreprises dites « vertes ». Les pertes subies par le pays, l’environnement et les individus n’entrent jamais dans l’équation du système de comptabilité nationale. Sinon, les entreprises privées n’auraient jamais recours à ce type de système pour mesurer leur succès.

3. Les sciences économiques prétendent se préoccuper du bien-être de la communauté.

• Le mot « économie » provient du mot grec oikonomia, qui signifie « gestion de la maison ».

4. Quoiqu’il soit employé pour prendre d’importantes décisions stratégiques sur les politiques nationales qui touchent l’ensemble de la population, le PIB a initialement été conçu pour justifier les dépenses de guerre.

• Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’économiste Richard Stone a mis au point un système de collecte et d’analyse des données issues des comptes nationaux britanniques au moment où le gouvernement devait justifier les dépenses allouées aux armes et à l’effort de guerre. L’avènement des Nations Unies et le travail fourni par les forces coloniales pour déterminer quels investissements des anciennes colonies elles devaient conserver ont donné lieu à l’expansion de ce système sur la scène internationale.

5. Lorsqu’un pays vit une situation de paix, le PIB diminue. Par conséquent, les activités de guerre comportent des avantages économiques.

• La guerre augmente les dépenses publiques, ce qui, à son tour, accroît le PIB, sans que l’on ne tienne compte des pertes encourues par le pays. Ainsi, la production et la vente de bas de nylon contribue moins à la croissance que l’utilisation de ce matériau pour produire des parachutes en temps de guerre. Un gouvernement achèterait des parachutes à un coût plus élevé que ce que débourserait le secteur privé pour des bas de nylon. Cette augmentation des dépenses publiques contribuerait ainsi à une hausse de la croissance. Les personnes responsables de la production des parachutes auraient un meilleur salaire et le volume acheté serait plus élevé parce qu’il serait basé sur la demande publique en temps de guerre, par opposition à la demande du secteur privé.

6. Le domaine de la production est une série de règles (très peu révisées) élaborées par les Nations Unies et qui déterminent les activités dont on estime qu’elles contribuent au PIB.

• Lorsque Richard Stone a rédigé les règles entourant le système de comptabilité nationale, il a conçu un cadre pour définir quelles activités seraient inscrites aux comptes, que l’on nomme « domaine de la production » ;
• Ce sont ces règles qui dictent ce qui est comptabilisé dans la mesure du PIB, et, par conséquent, de la croissance.

7. On estime que le travail non rémunéré, habituellement dévolu aux femmes, n’a aucune valeur monétaire. Il n’est donc pas comptabilisé dans le système économique, en plus d’être considéré non productif.

• Une série de données alternatives pourrait considérer le temps, principal élément que nous pouvons échanger. Les enquêtes sur l’utilisation du temps menées au Pakistan ont immédiatement révélé les écarts entre le style de vie des femmes et des hommes. Au cours d’une journée normale, les hommes s’adonnent à cinq activités différentes, alors que les femmes en accomplissent une douzaine. Les heures de travail des femmes tendent à être plus longues que celles des hommes. Dans la pratique, les activités les plus chronophages sont la cuisine et la préparation des aliments, auxquelles elles consacrent quelque cinq heures par jour, compte tenu de l’inefficacité des appareils. Cette situation démontre que pour augmenter la productivité des villages sondés, le changement technologique le plus efficient serait de réduire le temps accordé à ces activités grâce à des meilleurs appareils de cuisson ;
• Lorsque Marilyn Warning a mesuré les journées de travail des jeunes femmes dans les communautés auxquelles elle a rendu visite à travers le monde, elle a constaté que beaucoup d’entre elles travaillaient 18 heures par jour. Toutefois, cette contribution n’est pas comptabilisée sur le plan économique d’une manière qui démontre le rôle de ces jeunes femmes au sein de leur communauté. Toutes ces heures sont estimées non productives et donc ignorées.

8. On ne tient pas compte des éléments apportés par l’environnement en termes de la valeur de l’eau que nous buvons, de l’air que nous respirons et des aliments cultivés pour la subsistance (et consommés par leurs producteurs, car les aliments cultivés ne sont comptabilisés qu’ils sont vendus sur les marchés).

• Du point de vue économique, l’environnement ne compte que s’il est commercialisé (lorsque nous le forons, l’abattons ou le détériorons de quelque manière en vue de la consommation sur les marchés). Les Nations Unies ont bien tenté de rendre l’environnement plus visible par sa marchandification, en créant un compte satellite assujetti au cadre de comptabilité nationale, soit la comptabilité environnementale. Celui-ci calcule la valeur du couvert forestier, de la croissance des plantes indigènes, de la pureté de l’air, etc. Il s’agit d’un cadre permettant une analyse des coûts-avantages à l’aide des chiffres du marché, qui réduit l’environnement naturel au plus bas dénominateur commun. Heureusement, on n’est pas encore parvenu à une estimation de la valeur de l’eau.

9. Le PIB est une solution uniforme et le portrait qu’il trace du bien-être d’un pays ne reflète en rien les réalités des populations et de la planète.

• Toutes et tous, y compris les féministes, doivent prendre conscience des incidences des généralisations et des mesures universelles et de la manière dont elles influencent l’analyse et le discours. Par exemple, certaines féministes ont employé le terme de « soins » pour décrire l’ensemble du travail non rémunéré que réalisent les femmes. Pour augmenter la portée de nos revendications, notre discours doit tenir compte du fait que le travail des femmes dépasse largement ces simples « soins ».

10. Il est possible de mettre en place une mesure réaliste des conditions de vie d’une communauté, d’une ville, d’une région, d’un État ou d’une nation et des améliorations relatives qu’on y trouve (en plus du potentiel d’amélioration) à l’aide d’une approche fondée sur les droits humains, adaptée aux priorités de la zone géopolitique en question.

Pour réussir à promouvoir les droits des femmes par une approche fondée sur les droits humains qui inspirerait l’élaboration des politiques stratégiques, il n’est pas nécessaire de concevoir un système qui soit en mesure de fournir des comparaisons à l’échelle internationale. Les données et leur collecte devraient constituer des outils permettant d’évaluer les priorités propres à une zone géopolitique donnée, où le domaine de croissance de priorité dicterait le système servant à en établir les mesures.

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