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Comment plaider en faveur de l’égalité des genres par la fiscalité

a écrit dans Le rôle de l’État, Les flux financiers sur mai 13th, 2013 by

Les politiques fiscales ont une incidence différente selon le genre et elles peuvent reproduire, voire renforcer les inégalités. Alors que s’accroit la demande de mobilisation des ressources intérieures, les organisations travaillant sur les questions de genre doivent mettre en lumière les partis pris implicites et explicites que comportent les politiques fiscales et se battre pour leur élimination. Cette Boîte à outils du plaidoyer en matière fiscale (disponible en anglais seulement) mise au point par l’organisme Tax Justice Network-Africa [Réseau pour la justice fiscale-Afrique] vous fournira les outils nécessaires pour atteindre ces objectifs. Le personnel de l’AWID a préparé un résumé de l’atelier Comment plaider en faveur de l’égalité des genres par la fiscalité, qui s’est tenu dans le cadre des sessions de « boîtes à outils » sur l’économie féministe au Forum de l’AWID 2012.

Intervenant-e-s : Sandra Kidwingira et Ernest Okyere (Tax Justice Network-Africa) [Réseau pour la justice fiscale-Afrique]

Comment plaider en faveur de l’égalité des genres par la fiscalité

Références : Why Africa should stand up for Tax Justice, Building Democracy in Africa through taxation. Déclaration de Nairobi sur la fiscalité et le développement, Taxation and Gender Equality: A comparative – Karen Brown et Imran.

1. On peut définir l’impôt comme des redevances perçues par un gouvernement sur une transaction, un produit ou une activité qui servent à financer les dépenses gouvernementales. Les taux appliqués représentent le fondement de l’impôt et la palette de transactions, d’objets et d’activités imposables est déterminée par une instance législative.

2. On retrace quatre grands principes constituant le cadre fiscal, connus sous le nom des quatre « R » de la fiscalité. Ils définissent la raison d’être de la fiscalité comme suit :

• Prélever des recettes, ce qui devrait être réalisé de manière équitable ;
Redistribuer les recettes et les richesses de sorte à lutter contre la pauvreté et les inégalités ;
Réévaluer le prix des biens et services pour promouvoir les activités qui favorisent le bien-être de la société, notamment du point de vue de la santé et des problèmes liés au climat (les activités nuisibles doivent être plus chères afin de décourager leur pratique) ;
Représenter les contribuables dans leur rôle de citoyens et citoyennes, puisque ce sont eux qui paient les impôts.

3. Les recettes publiques générées par l’impôt consensuel contribuent à l’essor de la société nationale et il s’agit en principe d’un contrat social en matière de fiscalité qui bénéficie à la fois au gouvernement et aux citoyens et citoyennes.

• Pour les citoyens et les citoyennes, les impôts contribuent à l’amélioration des services publics, à la participation citoyenne aux décisions sur l’utilisation des recettes et à la reddition de comptes ;
• Inversement, les impôts offrent aux gouvernements l’occasion d’assurer la représentation, de créer des incitations à la reddition de comptes afin de générer davantage de recettes, de créer des incitations favorisant le bien-être, la qualité de vie et la prospérité des citoyens et des citoyennes et, plus généralement, de bâtir des États efficaces.

4. Les régimes fiscaux ne sont pas neutres sous l’angle du genre puisque leurs politiques peuvent être utilisées pour améliorer ou pour renforcer les inégalités de genre.

• Les partis pris explicites dans les règlements et dispositions en matière d’impôt comprennent les mesures qui traitent les hommes et les femmes de manière différente, par exemple quand les propriétés communes sont inscrites dans la déclaration d’impôt de l’homme, niant aux femmes le droit d’être propriétaires ;
• Les partis pris implicites dans le cadre des règlements et des dispositions en matière d’impôt sont de nature systémique et sont fondés sur des coutumes et des aménagements construits par la société, comme le fait de favoriser les emplois formels, qui sont plus communs chez les hommes.

5. En pratique, les politiques et les modalités entourant la fiscalité peuvent représenter des menaces pour le progrès politique, un développement économique durable et l’éradication de la pauvreté, ces aspects ayant une plus grande incidence sur les droits des femmes à l’échelle mondiale, puisqu’elles sont plus susceptibles d‘être en situation de pauvreté.

6. Sur le plan intérieur, certains problèmes de fiscalité peuvent constituer une menace pour le développement équitable, notamment :

• Les exonérations fiscales accordées aux investissements étrangers directs, dont découlent des pertes de revenus ;
• La complexité des codes fiscaux que les citoyens et les citoyennes ne comprennent pas et qui les incitent à ne pas payer leurs impôts ;
• Le non-respect des lois en matière de fiscalité chez les citoyens et les citoyennes en raison de la faiblesse des biens et services qu’ils reçoivent en échange de leur argent, de l’absence de bonne gouvernance et de l’opacité entourant les dépenses du gouvernement.

7. Sur le plan international, certains problèmes de fiscalité peuvent constituer une menace pour le développement équitable, notamment :

• Les fuites de recettes en raison de l’évitement fiscal (qui consiste à tirer profit des vides juridiques que contiennent les lois fiscales) et de l’évasion fiscale (le non-paiement illégal des impôts) ;
• L’absence de transparence des multinationales au regard de leurs activités ;
• La concurrence fiscale désavantageuse (entre les pays en développement) ;
• Les paradis fiscaux (les pays où l’on maintient le secret financier pour encourager les investissements internationaux).

8. Plusieurs pays en développement ont recours aux paradis fiscaux pour favoriser les activités des multinationales, cette situation ayant des incidences néfastes sur les ressources naturelles, particulièrement dans le secteur de l’extraction des ressources.

• La campagne dénonçant les paradis fiscaux, Stop paradis fiscaux, réunit une coalition d’organisations provenant de toutes les régions du monde qui travaille à sensibiliser le public et à lutter pour davantage de transparence dans les rapports financiers des multinationales.

9. La Loi Dodd-Frank aux États-Unis stipule que toutes les multinationales cotées à la bourse de New York doivent divulguer le nombre de leurs employés, leurs bénéfices et les impôts payés dans chaque pays où elles opèrent. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction en ce qui concerne la transparence et cette loi représente un modèle pour les initiatives d’autres pays à venir.

10. La justice fiscale est un outil important et puissant de plaidoyer transversal pour réduire la pauvreté et améliorer le bien-être au sein de la société, ce qui à son tour aura des incidences majeures sur les femmes et, notamment, sur celles vivant dans la pauvreté. Nous avons élaboré une Boîte à outils (en anglais seulement) pour soutenir ces efforts.

Voici quelques exemples de stratégies pour la justice fiscale destinées à soutenir le travail d’organisations de droits des femmes luttant pour d’autres enjeux :

• Analyse du revenu imposable soulignant les inégalités de genre chez les personnes vivant dans la pauvreté ;
• Plaidoyer en faveur d’une plus grande transparence dans le recouvrement des impôts ;
• Plaidoyer en faveur d’une plus grande transparence dans les dépenses gouvernementales ;
• Recherche sur l’efficacité de la gestion des impôts ;
• Plaidoyer tenant compte des différences entre les genres en matière de consommation et reconnaissant que les femmes tendent à dépenser davantage pour l’alimentation, la santé et l’éducation :
• Plaidoyer en faveur des droits des femmes en matière de propriété.

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